I knew one day I'll screw up everything | Taliel

Sous le choc, tu regardes le dos de ton petit ami passer la porte de derrière. Tu le regardes disparaitre de ta vie comme ça en un instant. Qu’est-ce que t’as fait ? Pourquoi t’as pas réagi quand il t’en a laissé la chance ? Ses mots tournent en boucle dans ton esprit. « Si tu ne veux plus de moi, dis-le clairement au lieu de m'éviter pendant des jours ! » Pourquoi tu n’as pu rien dire pour le contredire, pour lui dire que tu ne voulais pas le quitter, que tu voudrais qu’il vive avec toi pour le restant de vos jours ? Pourquoi a-t-il fallut que tu restes planté comme un con devant lui à espérer qu’il reste alors que tu savais très bien qu’il ne le ferait pas ? Tu l’as perdu. Enfin, ce n'est pas vraiment le cas. Si tu avais écouté ses paroles au lieu de rester focalisé sur son départ, tu aurais compris que tout ce qu'il cherchait à faire c'était te secouer un peu. Au lieu de ça, tu as complètement occulté ses dernières paroles de ton esprit et tu penses qu'il t'a largué. C’est fini, tu le sens. Il ne fera pas marche arrière pour te prendre dans ses bras, te demander pardon et te dire à quel point il t’aime. Vous êtes pas dans un putain de film romantique. Tu tombes alors à genoux et tu laisses les larmes couler sur ton visage en fixant comme un abruti cette porte qui se referme petit à petit sur l’homme de ta vie. Tu pleures dans cette position pendant quelques minutes qui te paraissent être des heures avant d’être capable d’aligner deux mots. Tu prends alors ton téléphone et appelle la première personne qui sera te réconforter après cet épisode tragique. Trois sonneries et elle décroche. « Tal, j’ai merdé. » sanglotes-tu. Tu l’entends te parler mais tu n’arrives pas à comprendre le sens des mots. Tu supposes qu’elle te demande ce que tu as fait pour être dans cet état. Tu pourrais lui raconter tout ce qui s’est passé. Mais tu n’as pas envie de le faire au téléphone. Tu veux simplement qu’elle vienne te réconforter. « Cory m’a quitté… » C’est tout ce que tu arrives à dire avant que les larmes et les sanglots bloquent tes mots dans ta gorge. T’as l’impression d’être un enfant qui a un chagrin d’amour. C’est exactement ce que c’est un chagrin d’amour. C’est la première fois que tu expérimentes un sentiment si fort et si dévastateur. Ça te fait mal, ça t’opprime le cœur, te le déchire pour ensuite l’envoyer dans les airs en de milliers de pièces. Tu as le cœur brisé et ça ne te plait pas. Tu ne veux plus jamais ressentir quelque chose comme ça. C’est trop fort, trop puissant. Tu sais que tu ne survivras pas une nouvelle fois à ce genre de chose. « Tallulah, qu’est-ce que je vais faire ? » Le téléphone est toujours vissé sur ton oreille. Tu n’as pas le force de faire grand-chose. Ta vie est maintenant finie. Sans Cory elle n’a plus le même goût. Tu te sens vide, comme si le voir partir t’a drainé de toute ton énergie. Tout ce que tu voudrais, c’est remonté le temps et faire en sorte de ne jamais tombé amoureux de lui. Ça fait trop mal et tu veux tout oublier.

Coup d’œil supplémentaire à l'aiguille qui valse dangereusement au-dessus de ta tête. Tu soupires. Encore une heure. Soixante minutes. Tu vas pas survivre. Tes vêtements sont imprégnés de cette odeur âcre qui te prend à la gorge, ce mélange de pâtes à pizza et de sauce tomate que t'aurais jamais pensé haïr à ce point. T'as mélangé trois pizzas aujourd'hui et même s'il ne te le dit pas explicitement, Jo commence à en avoir marre de tes gaffes incessantes. Une nouvelle commande apparaît sur l'écran, baigne ton visage d'une lumière vive. Jo passe derrière toi rapidement, il te secoue légèrement les épaules. Tu lui souris faiblement, même plus capable de former une phrase potable. Une heure. Plus qu'une heure. Tu soupires une seconde fois avant de te mettre au boulot. L'endroit de livraison n'est pas très loin, tu devrais l'atteindre en moins de 10 minutes. Tu attrapes la boite en carton que ton patron a déposé pour toi à côté de la porte. Tu sors par la porte de derrière et en quelques secondes, tu te retrouves à califourchon sur ton scooter. L'air est lourd, humide. Ton casque te colle la peau, agrippe désagréablement tes cheveux. Tu jures entre tes dents. Aujourd'hui, c'est vraiment pas ton jour. Tu t'apprêtes à prendre la première à gauche quand tu sens ton portable vibrer contre ta cuisse. Tu n'hésites que quelques secondes avant de t'arrêter devant l'allée d'un entrepôt miteux. Tu t'échappes rapidement de la prison qu'était devenu ton casque rose bonbon et ton portable se cale presque mécaniquement contre ta joue. T'as à peine décroché que la voix de Zeke s'élève déjà dans les airs. « Tal, j’ai merdé. » Tu fronces les sourcils, coupe le moteur du scooter. « Quoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ? » Ses mots sont noyés, submergés. Ton rythme cardiaque s’accélère. Tes mots se bousculent, tu paniques. « Zeke ? Zeke respire ok ?» La peur prend place au fond de ta gorge. Au loin, le feu passe au fer. « Cory m’a quitté… » Quoi ? Tu l'entends pleurer et la colère prend doucement place dans tes veines. T'aimerais le prendre dans tes bras, lui dire que tout va bien mais t'es trop loin. La pizza refroidit déjà. Tu prends une longue inspiration, tentes de garder ton esprit hors de l'eau. « Dis-moi exactement ce qu'il s'est passé. » Tes doigts se referment un peu plus autour de ton portable. Tu vas le tuer. Cory est un homme mort. « Tallulah, qu’est-ce que je vais faire ? » Tu baisses les yeux, tentes de chasser les pensées mortelles qui ont pris place dans ton esprit. Ton meilleur ami a besoin de toi. « Je vais le tuer. » T'auras essayé. « Tu es chez toi? » Ton regard se pose sur la boite à pizza qui te semble mourir au fur et à mesure que les secondes s'écoulent. Oh et puis merde, Zeke est ta priorité.

Tu regardes l’homme que tu aimes disparaitre de ta vue comme s’il n’avait jamais existé. Tu espères néanmoins qu’il change d’avis et reste avec toi. Mais ce genre de chose n’arrive que dans les fictions et vous vous vivez dans la réalité. C’est juste que tu t’es tellement laissé emporter par tes sentiments que tu n’as pas réalisé qu’un jour ou l’autre, ce serait lui qui te quitterait. Parce que ce n’est clairement pas toi qui l’aurait quitté. Toi tu subis tout cette situation, vivre cachés à cause de son père, ce foutu mariage avec le cœur en miettes, mais tu sais que dès l’instant où tu le verras, ton visage s’illuminera, tu seras plus heureux. Mais aujourd’hui, ça n’a pas été le cas. Aujourd’hui, tu n’avais qu’une envie le foutre à la porte et ne plus jamais le revoir. C’est ce qui va d’ailleurs arriver puisque Cory a quitté ta maison sans plus de cérémonie. Tu aurais pensé qu’il se retournerait une dernière fois, mais non ce n’est pas le cas. Il s’en va comme ça, comme s’il n’était jamais entré dans ta vie. La chute n’en est que plus douloureuse que tu te rends compte qu’il est à peine parti qu’il te manque déjà atrocement. Tu pleures, tu te débats pour sortir de cette torpeur mais rien n’y fait. Tes sanglots se multiplient alors que t’essaies en vain de reprendre ton souffle. Quand c’est le cas, tu prends ton téléphone pour appeler la seule personne qui pourra te réconforter. Cette personne, c’est ta meilleure, celle que tu as gracieusement insulté en face de Cory. Et maintenant, tu le regrettes amèrement. Tu regrettes d’avoir eu un comportement si grossier envers une des femmes de ta vie. Elle décroche à la troisième sonnerie et tu ne lui laisses même pas le temps d’en placer une que tu es déjà en train de lui raconter pas vraiment clairement ce qui s’est passé avec ton petit-ami. Tu l’entends te parler, sûrement te demander comment tu vas, ce qui est arrivé plus en détails, mais tu ne peux pas dire un mot de plus. Tu voudrais pouvoir lui raconter tout par appel, mais c’est impossible. Tu poses alors la question qui te brûle les lèvres : « qu’est-ce que je vais faire ? » Tu évites de rajouter sans lui, mais tu sais qu’elle aura compris. Tallulah te connait depuis des années et souvent, tu n’as pas besoin de finir ta phrase pour qu’elle comprenne. « Non c’est pas sa faute Tal… C’est moi… » Tu respires un grand coup pour ravaler tes larmes et sanglots et tu réponds à sa question. « Oui, je suis chez moi. Dans un piteux état mais chez moi. » Tu pouffes comme si ce que tu venais de dire était marrant… Sauf que ça ne l’est pas. « Cory vient juste de partir… Enfin, je sais plus trop quand il est vraiment parti. Je sais pas combien de temps que ça fait que je suis à genoux à pleurer toutes les larmes de mon corps. » Tu renifles encore une fois avant de reprendre. « J’veux plus jamais être amoureux. Ça fait trop mal… J’ai pas signé pour souffrir. » Tu lâches un soupir audible avant de te frotter les yeux pour sécher les quelques larmes rebelles qui ont élu domicile sur tes joues et au coin de tes yeux.

Le vent s'emballe, se faufile dans tes cheveux. Des mèches rebelles fouettent ton visage alors que la voix de Zeke s'échappe du haut-parleur, « Non c’est pas sa faute Tal… C’est moi… » Tu lèves immédiatement les yeux au ciel. Les étoiles glissent dans ton champ de vision. Tu dois te faire violence pour ne pas le contredire, les mots sont là, coincés à la commissure de tes lèvres, prêts à bondir. Mais tu te retiens, parce que tu sais qu'il a besoin de prendre son temps pour se livrer. Ses mots s'échappent enfin dans un débit plus ou moins constant, comblent le silence ambiant. Ça te rassure un minimum. Sa voix manque toujours de casser à chaque tournure de phrase mais il te parle et c'est tout ce qui compte. « Oui, je suis chez moi. Dans un piteux état mais chez moi. » Tu hoches la tête, lui réponds d'un rapide, « je devrais être là dans... 15 minutes ? » Tu jettes un rapide coup d’œil autour de toi. La pénombre t'a complètement avalée. Les ombres volent autour de toi. Merde. En vérité, t'es même pas certaine de savoir où tu t'es arrêté. Mais tu devrais pouvoir t'en sortir, comme toujours. Normalement. Il te dit que Cory est parti, qu'il l'a laissé à genoux, en larmes. Et tu vois rouge, rouge sang. Tu l'imagines, les joues trempées, recroquevillé à même le sol. Tes doigts te démangent, tu inspires profondément. Calme. « J’veux plus jamais être amoureux. Ça fait trop mal… J’ai pas signé pour souffrir. » Tes dents broient ta lèvre inférieure. Tic nerveux. « Zeke... » Tes doigts pianotent sur ton casque, le ton de ta voix à un arrière-goût amer. « Écoute, je suis sûre qu'il y a une explication logique à toute cette histoire. Il a pas pu se tirer comme ça, en l'espace de quelques heures ! » Parce que même si t'es loin d'apprécier Cory, t'as dû te rendre à l'évidence qu'il doit vraiment tenir à Zeke. S'il a adhéré à votre plan foireux, aux fiançailles, au mariage, il doit vraiment l'aimer. Ton regard se perd au loin, au milieu du manège incessant de voitures qui dansent devant tes yeux. « Tu veux que je l'appelle ? » T'es pas sûre que t’arriverais à garder ton sang-froid, t'es même certaine d'exploser jusqu'à mettre le feu à son âme. Mais il n'aurait que ce qu'il mérite. « Ou que j'aille lui parler ? On doit se voir bientôt, normalement... » Tu te demandes si c'est toujours à l'ordre du jour. Parce que s'il a réellement quitté Zeke, tout votre manège n'a plus lieu d'être. Derrière toi, la pizza continue de refroidir.

Ton cœur se comprime et tu peines à respirer alors que tu essaies de répondre aux réponses de ta meilleure amie. T’es dans un piteux état et tu fais peur à voir… Tu esquisses un mince sourire quand Tal te dit qu’elle sera là bientôt. Tu ne sais pas ce que tu ferais sans elle. Elle est la troisième partie de ton cœur. Il y en a une pour ta fratrie, une pour elle et la dernière, bien que brisée en mille morceaux, pour Cory. « Je t’attends alors. » souffles-tu désespéré. T’as besoin d’elle, de sentir son corps frêle contre le tien. Cependant, tu sais que pendant quinze minutes, tu vas être seul, à te morfondre. Alors tu relances la conversation. Tu te plains de ta vie amoureuse, du fait que ça fait trop mal pour que tu puisses le supporter. Ton cœur brisé mettra des mois, peut-être même des semaines à se réparer. C’est trop fort, trop puissant. Tu voudrais ouvrir ta cage thoracique et en extraire ton cœur pour devenir comme les gens que tu vois autour de toi et dont on dit qu’ils ont un cœur de pierre. Au moins eux, tu sais qu’ils ne souffrent pas d’avoir perdu l’être qu’ils aiment. La réponse de Tallulah ne se fait pas entendre alors que tu peux presque la voir se mâchouiller la lèvre. « Explication logique ? J’pense pas. » répètes-tu en levant les yeux au ciel. « Il a juste trop peur de porter ses couilles devant son père ou même ses sœurs pour dire qu’il est bisexuel et en couple avec moi. » Tu soupires. C’est une vérité. Il n’a dit à personne pour vous alors que toi, toute ta famille est au courant. Sans eux, tu n’aurais pas pu supporter tout ce que tu as supporté en étant avec Cory. Elle continue, te demandant si tu veux qu’elle l’appelle ou qu’elle aille lui parler. « Ça changerait quoi ? Il a pris sa décision. Il reviendra pas dessus. » Tu sais que ça ne servirait à rien, parce que Morgan est trop têtu pour revenir sur sa décision. C’est aussi pour ça que tu l’aimes, parce qu’il est une tête de mule. Et puis surtout, inconsciemment et peut-être un peu consciemment, tu ne veux pas qu’ils se voient. T’as peur de ce qui pourrait arriver maintenant que Cory est célibataire. Peut-être que Tal pourrait finir dans son lit. Cette pensée te fait glapir comme un chien, mais tu te reprends bien vite, ajoutant pour ne pas qu’elle se doute de quelque chose. « J’ai juste besoin que tu sois près de moi. » S’il y a bien une personne à qui tu n’as pas peur d’ouvrir ton cœur, c’est bien Tallulah, ta meilleure amie.