this darkness that I could never show. (alfie)

C'est d'un pas décidé que la jeune femme quitta son appartement ce soir-là. Légère, la jeune maman pouvait enfin profiter d'un moment de calme, de son unique soir de repos. Certes, elle aurait également apprécié de rester tranquillement à la maison devant un bon film, mais sa meilleure amie en avait décidé autrement. En fait, elle ne lui avait pas même laissé le choix. Cette après-midi, la jeune femme l'appela pour lui dire qu'elle la "kidnappait" ce soir, et qu'elle s'occuperait de tout. Sans rechigner, Reva obtempéra en emmenant Aron chez ses parents qui avaient d'ores et déjà accepté de garder le petit, puis avait enfilé une petite robe fleurie pour l'occasion avant de partir. Après tout, elle ne s'était encore jamais rendue à cette fête en l'honneur des français, mais Billie lui avait certifié qu'elles s'amuseraient beaucoup et qu'il fallait qu'elle se fasse belle. Des escarpins framboise aux pieds, Reva traversa les ruelles en faisant retourner quelques hommes sur son passage. A dire vrai, cela faisait une éternité qu'elle ne s'était plus faite jolie ainsi et cela lui faisait tout drôle de voir qu'elle pouvait encore plaire. C'est souriante qu'elle arriva à l'entrée du grand parc où se déroulait le bal. Des gens occupaient déjà la piste de danse et la place était bondée, alors que le soleil venait à peine de disparaître. Émerveillée devant les multiples lampions qui éclairaient le chemin, Reva se surprit à rêver de sa vie d'avant, lorsqu'elle était encore une jeune femme sans attaches, et qu'elle se rendait régulièrement à ce genre d'événements. La demoiselle pensait fermement que cela ne lui manquerait pas, et bien elle se trompait. Billie avait eut raison de la pousser à venir, car elle se languissait déjà de faire la fête en sa compagnie, comme au bon vieux temps. Après avoir relu son sms, la demoiselle se rappela du lieu du rendez-vous. Cela devait être vers la fontaine, peu après le bal, au fond du parc. Une fois sur les lieux, la jeune femme prit le temps d'observer le paysage qui l'entourait, un sourire aux lèvres. Billie n'était pas encore arrivée, alors, elle décida de s'asseoir sur le rebord de la fontaine et trempa ses mains dans l'eau, en priant pour que son amie ne soit pas trop en retard... elle sentait déjà ses pieds s'agiter sur le rythme de la musique.

Les minutes passaient, et Reva n'avait toujours aucune nouvelle de sa meilleure amie. De nature patiente, elle n'était pas du genre à fulminer parce qu'elle devait attendre sur elle, mais plutôt s’inquiéter de savoir s'il lui était arrivé quelque chose. Sa meilleure amie n'était pas du genre à être en retard, jamais. Après avoir laissé passer quelques minutes, la jeune femme sorti son téléphone portable de sa petite sacoche et composa le numéro de Billie, avant de tomber sur le répondeur. Étrange. « Billie, je ne sais pas ce que tu fais mais je t'attends où tu m'as dis de t'attendre... » Commença-t-elle d'une voix légèrement soucieuse, avant de relever le regard vers la foule. Peut-être était-elle sur le chemin ? « Tu sais, au bord de la fontaine machin chose... enfin tu sais où c'est vu que c'est toi qui m'a dis de venir t'attendre ici. » Quoiqu'il en soit, elle ne l'aperçu pas. Elle leva les yeux au ciel, se rendant compte qu'elle était en train de réaliser un magnifique monologue qui ne servait à pas grand chose à part à lui passer le temps et que sa meilleure amie ne manquerait pas de se ficher d'elle en l'entendant. En réalité, cela rassurait la jeune maman d'être au téléphone quand elle se retrouvait seule au milieu de la ville. Il fallait avouer qu'elle était un peu devenue angoissée depuis qu'elle était devenu mère. « Si tu m'as organisé un sale coup je-- » Alors qu'elle s'apprêtait à enguirlander sa meilleure amie dans le vide, Reva fut interrompue lorsqu'elle entendit son prénom. Intriguée, la jeune femme se retourna lentement, se demandant bien qui venait de l'interpeller. Cette voix. Elle lui disait vaguement quelque chose. Cette voix lui était familière et pourtant, lorsqu'elle posa son regard sur l'homme qui se tenait devant elle, la demoiselle fut incapable d'expliquer pourquoi. Son cœur manqua un battement. Il était très beau. Comment connaissait-il son prénom ? Troublée, la brune raccrocha son téléphone et mit plusieurs secondes avant de retrouver l’usage de la parole, alors qu'elle ne pouvait plus détacher son regard du sien. Elle ne savait expliquer pourquoi, mais elle se sentait tout à coup toute chose. « O-Oui ? (...) Excusez-moi, on se connait ? » Demanda-t-elle d'une petite voix, un sourire sincère sur le visage mais gênée comme elle ne l'avait jamais été. « Si c'est le cas il faut m'excuser, je ne suis pourtant pas du genre à oublier les gens que je côtoie. » Elle se releva doucement en essayant de dégager les mèches de cheveux qui venaient devant son visage. Si elle avait oublié qui il était alors qu'ils s'étaient peut-être déjà rencontrés, elle ne saurait plus où se mettre. Ce n'était pas son style d'oublier les visages. Surtout, elle était certaine que celui-ci, elle ne l'aurait jamais oublié.

Les échanges de regard que se lançaient les deux inconnus étaient étranges. Gênés, maladroits, incertains, et pourtant, tout dans cet homme la confortait, sans même qu'elle ne le connaisse. Il avait cette posture, cette assurance qui lui donnait un air rassurant. La jeune femme ne pouvait d'ailleurs retenir ce petit sourire stupide qui collait à son visage. « Oh, vous me rassurez, parce que je ne suis vraiment pas du genre à... » Elle venait d'avoir une révélation. Concrètement ? Que voulait-il entendre par là ? Reva chercha au plus profond de ses souvenirs et il n'y avait pourtant pas trente-six solutions différentes... Debout face au jeune homme, la bouche entre-ouverte, comme figée, elle le laissa continuer ses explications et sans même que toutes les informations aient le temps d'arriver jusqu'à son cerveau, le prénom de Alfie lui vint en tête. Lentement, elle fixa ses pieds quelques instants, comprenant à quel point elle avait pu être ignorante et naïve. « Les escarpins framboises. » Affirma-t-elle d'un ton neutre. Sa réponse sonnait comme une révélation. Tout à coup, Reva comprit que sa meilleure amie s'était totalement fichu d'elle, et elle, elle avait totalement marché. Elle avait marché comme une débutante, ne se demandant même pas pourquoi elle lui avait demandé spontanément de sortir ces escarpins-là et que bêtement, elle les avait mis sans poser de questions. Et avant même que son interlocuteur se présente, la jeune femme porta sa main devant sa bouche, comme si elle comprenait enfin la finalité du plan machiavélique de sa meilleure amie. « Alfie. » Murmura-t-elle alors en même temps que lui, les yeux grands ouverts. Billie ne le savait pas encore, mais elle allait passer un sale quart d'heure de l'avoir piégée ainsi. En vérité, elle devait avouer que voir enfin l'homme avec qui elle avait conversé pendant un temps sans jamais pouvoir mettre de visage sur son prénom et sa voix était plaisant. « Je suis désolée... désolée de l'accueil, je-- je ne m'y étais pas préparée du tout, à vrai dire. » Lâcha-t-elle en lui offrant son plus beau sourire en guise de pardon, une moue gênée sur le visage. Plus elle le regardait, plus elle avait le ventre qui se nouait. Elle n'avait plus d'échappatoire désormais. Il était là, devant elle, avec ses yeux azurs et ses bras rassurants. Toutes les conversations qu'elle avait pu avoir en sa compagnie, les rires, les moments où il la réconfortait, tout lui revenait et alors elle se demandait comment elle avait fait pour refuser de le voir. Mais comment lui dire ? Comment lui dire ce qu'il ignorait toujours ? Reva n'en avait pas la force, ni le courage. « Je-- je suis ravie de te voir. » Souffla-t-elle en s'approchant de lui, pour l'enlacer maladroitement, comme si elle avait oublié comment on faisait pour saluer quelqu'un du sexe opposé. Quelqu'un qui apparemment lui plaisait. Elle respira son odeur quelques instants et se dit qu'il sentait bon, incroyablement bon. Elle avait oublié cette odeur masculine, une odeur qui autrefois la réconfortait. La jeune maman dut y mettre beaucoup d'efforts pour se détacher de lui avant que l'accolade ne dure un peu trop longtemps pour deux personnes qui viennent de se rencontrer. Ses joues devinrent légèrement rosées, heureusement, il faisait sombre. « Je crois qu'il faut remercier ma meilleure amie pour le coup. C'est elle qui a organisé ce drôle de rendez-vous. » Elle leva les yeux au ciel, agacée. Mais son sourire trahissait que finalement, ce n'était pas si mal. « Est-ce que ça t'arrive souvent, toi, ce genre de rendez-vous ? De rencontrer des inconnues au bord d'une fontaine au clair de lune ? » Demanda-t-elle d'un ton amusé, pour détendre l'atmosphère, en espérant évidemment qu'elle avait été la seule.

Plus les minutes défilaient et plus Reva semblait se détendre. En réalité, la surprise avait été telle qu’elle n’avait pas vraiment eu le temps de stresser ou d’angoisser à l’idée de rencontrer l’homme qui hantait régulièrement ses pensées. Peut-être était-ce simplement parce que la jeune femme ne semblait pas encore réaliser ce qui lui arrivait, comme si elle était simplement en train de rêver à la rencontre parfaite, au moment parfait.  Sa réponse la contenta davantage, même si il aurait très bien pu lui mentir à ce sujet après tout, mais c’était comme si Reva le connaissait depuis des années. Comme si elle sentait lorsqu’il était sincère, rien qu’au son de sa voix. Elle lui adressa un timide sourire, avant de lui emboîter le pas. Ils allèrent en direction de la fête l’un aux côtés de l’autre, dans un silence encore un peu timide mais absolument pas désagréable. La jeune femme avait presque oublié ce que c’était de tomber amoureuse, après tout, elle n’avait plus eu de rendez-vous galant depuis le père de son fils. Elle essayait alors tant bien que mal de paraître aussi normale et détendue que possible. Maintenant qu’il était là, elle ne voulait surtout pas l’effrayer. « Je ne sais pas toi mais, ça fait quelque temps que je n’ai plus eu ce genre de…rendez-vous. » Souffla-t-elle en évitant son regard, comme si cela devait excuser ses silences. En réalité la jeune femme d’habitude si bavarde se retrouvait avec la bouche cousue. Heureusement, ils arrivaient gentiment vers les stands et la scène de musique, de quoi faire disparaître le petit malaise de la jeune maman dans le brouhaha ambiant. Très vite, une odeur sucrée vint jusqu’à elle, et sans lui demander son avis, la brunette l'entraîna vers un stand de gaufre pour en ressortir avec une pâtisserie recouverte de chocolat, mais également de cannelle. Sa demande était originale mais selon elle, la cannelle améliorait mille fois le chocolat et faisait ressortir toute sa force. Après en avoir pris une énorme fourchette, la demoiselle tendit la gourmandise à Alfie, un sourire enfantin sur les lèvres. « Quelque chose que tu ignorais encore; voilà un de mes péchés mignons. Chocolat/cannelle. Je pourrais facilement me nourrir que de ça. » Les yeux brillants, elle semblait ravie de se confier un peu plus au jeune homme qui en savait déjà beaucoup sur elle. Mais elle voulait lui montrer qu’il était encore loin de la connaître sur le bout des doigts, et très loin de se douter qu’elle était mère. La gaufre était un bon début, selon elle. Bien qu’elle ne le remarqua pas de suite, une petite goutte de chocolat resta au coin de sa lèvre supérieure. De quoi lui ôter tout la sexytude qu’elle avait acquis jusqu’ici. Alors, comme si de rien n’était, elle regarda autour d’elle les nombreux enfants qui courraient dans les parages et se surpris à sourire en pensant à Aron quelques instants. « Tu aimes les enfants ? » Si cette question était complètement hors sujet après la gaufre, elle lui était venu comme ça, sans qu’elle y réfléchisse. Réalisant que sa question pouvait être un peu rude au premier abord, la jeune femme arqua les sourcils de surprise et se racla la gorge, cherchant une manière de se rattraper sans passer pour une folle furieuse. « Enfin, je veux dire (…) est-ce que tu as des neveux ou nièces peut-être ? » Ok, ce n’était pas terrible, mais après tout, peut-être qu’il n’allait pas le prendre comme elle le pensait. C’était elle qui se trouvait mal à l’aise vis-à-vis de ce mot, lui n’en savait rien. Quoiqu’il en était, la tâche de chocolat sur ses lèvres pourrait toujours faire office de diversion vu qu’elle n’avait toujours rien remarqué et qu’elle devait avoir l’air bien ridicule. Comme à son habitude, dirons-nous.