in your eyes the melody is frozen {max}

Le plus difficile était de faire tomber le peignoir, de se découvrir devant une assemblée de gens qu'il ne connaissait pas et qu'il n'avait même jamais vu de sa vie. Défaire le nœud qui retenait le vêtement contre son corps paraissait être un acte parfaitement anodin mais il ne parvenait pas à s'y résoudre. Tous les visage étaient tournés vers lui et il aurait voulu disparaître dans un trou de souris tellement il était inconfortable et mal à l'aise. Il tenta de se rassurer en se disant que tous ces gens étaient des artistes, qu'ils étaient là pour pratiquer l'art et non pour le juger sur son apparence. Ils avaient du en voir des modèles défiler avant lui, il n'était pas le premier et il ne serait sans doute pas le dernier. Mais c'était compliqué pour un jeune homme de vingt-deux ans de se mettre littéralement à nu devant une dizaine de personnes. Un doux visage délicieusement ridé par les années vint se mettre à sa hauteur. « Ça va jeune homme ? » Il baissa les yeux vers l'adorable femme qui était venue jusqu'à lui et lui offrit un sourire crispé. « Je ne sais pas quoi faire, je ne sais même pas pourquoi je suis là. » Elle sourit à son tour. « Pour l'amour de l'art peut-être ? C'est pour ça que nous sommes tous là. » Il était surtout là pour l'argent, il avait utilisé toutes ses économies pour payer son école et il n'avait même plus de quoi se loger ou même se nourrir, il était tout simplement à la rue et il ne pouvait plus supporter cette condition. Il en était donc réduit à poser une heure deux fois par semaine pour des artistes amateurs. C'était mieux que rien et c'était plutôt bien payé. Il suffisait maintenant qu'il trouve le courage de retirer le dernier morceau de tissu qui le recouvrait. La vieille dame se pencha une nouvelle fois vers lui et lui glissa à voix basse. « Si ça peut vous rassurer je préfère les femmes, je n'aurai aucun intérêt pour votre virilité. » Elle lui fit un clin d'oeil avant de poursuivre. « Imaginez nous nus également, ça pourra sans doute vous détendre, voire vous amusez. » Max se surprit à sourire, vraiment sourire, ça ne lui était pas arrivé depuis qu'il avait quitté son Angleterre natale et ses parents. Il laissa échapper un profond soupir et prit une décision, c'était maintenant ou jamais : d'une main légèrement tremblante il défit le nœud de son peignoir et le laissa tomber à terre. C'était avec stupeur qu'il se rendit compte que personne n'avait de mauvaises pensées en le regardant, personne le jugeait, personne ne chuchotait, ils s'étaient contentés de sortir leur pinceau ou leur fusain afin de commencer à travailler. La vieille dame qui était venu le rassurer leva son pouce en l'air et il se détendit complètement. Finalement ce n'était pas si terrible.

[...]

« Serait-ce déplacé de ma part de vous dire à quel point je vous trouve beau ? » Persuadé d'être le seul dans la salle et en train de rattacher le bouton de son jean, Max sursauta en entendant cette voix. Il passa la tête derrière le paravent et tomba presque nez à nez avec une belle femme brune, plus âgée que lui elle avait cette confiance que vous donne l'âge décisif de la trentaine. Elle pencha la tête sur le côté et le couva du regard. « Vous portez des lentilles ou vos yeux sont-ils aussi bleus ? » Maxen ouvrit la bouche dans l'intention de répondre mais pour dire quoi, il n'en avait aucune idée. C'était la première fois qu'une femme le draguait d'une manière aussi ouverte et explicite et il ne savait pas comment il était censé réagir. Finalement il lui tendit la main.  « Je m'appelle Max. » Elle lui lança un regard à la fois attendrissant terriblement aguichant. Elle accepta sa poignée de main et sentir sa peau chaude et douce contre la sienne lui donna d'incroyable frissons. « Helsa. » Elle repositionna son sac à main sur son épaule et ne le lâcha pas des yeux lorsqu'il alla chercher sa veste à l'autre bout de la salle. « Je me demandais si vous accepteriez de poser pour moi. Uniquement pour moi. Je vous dédommagerai bien entendu. » Elle avait pris le soin de détacher chacune des lettres du mot "uniquement" afin qu'il en prenne tout le sens. Max se mordilla l'intérieur de la joue, il avait terriblement besoin d'argent, poser comme modèle lui avait permis de se prendre une chambre dans un hôtel pas trop mal mais ce n'était pas une vie, et il avait sa deuxième année d'école à payer dont les frais étaient ahurissant. Voyant son hésitation, Helsa n'insista pas. « Voici ma carte, appelez-moi si vous êtes intéressé. »

[...]

« Je dois vous avouer que je ne m'attendais pas vraiment à ça. » Helsa laissa échapper un petit rire face à la naïveté de Max. « Que pensais-tu ? Que j'allais te demander de te déshabiller rien que pour moi ? » A cette simple idée les joues de Max se tintèrent d'une légère couleur rosée. Oui c'était tout à fait ce qu'il s'était imaginé et c'était pour cette raison qu'il avait longuement hésité. Puis il avait reçu la facture pour sa deuxième année d'études et il avait récupéré la carte qu'il avait jeté à la poubelle. Il avait l'impression d'être la pire personne du monde, c'est fou ce que les êtres humains sont prêts à faire pour un peu d'argent. « Il n'y a pas que ton corps qui m'intéresse Max. » Tout en parlant elle promena sa main sur son bras, son épaule, remonta le long de son torse, fit le tour de son cou et vint se poser délicatement sur sa joue qu'elle caressa délicatement. « Je voulais t'avoir pour moi seule, je voulais avoir l’opportunité de peindre inlassablement ton visage. » Sa main reprit son aventure et effleura les yeux de Max, ses cils avant de s'arrêter sur ses lèvres. Les yeux d'Helsa se promenèrent un instant entre ces lèvres si tentante et les deux prunelles si intenses qui la fixaient. Elle ne résista pas plus longtemps et se hissant sur la pointe de pieds, elle déposa un baiser sur les lèvres du jeune anglais. Ce dernier se recula vivement. « J'ai treize ans de moins que vous. Je-- » Elle le coupa d'un index sur les lèvres. Elle vint se coller contre lui et l'embrassa, d'abord sur la joue, puis dans le cou et enfin de nouveau sur la bouche. Le souffle coupé il n'osa pas se retirer cette fois-ci, il la laissa l'embrasser et répondit même à son baiser.

[...]

« Je t'ai acheté ta peinture favorite, tu vas faire des merveilles avec. » Helsa s'arrêta sur le pas de la porte de la chambre, stupéfaite, Max était en train de faire ses valises. « Qu'est-ce que tu fais ? Tu parts quelque part ? » Il garda les yeux baissés, il ne voulait pas croiser son regard, si il la regardait maintenant il ne parviendrait pas à partir. « Max ! Regarde-moi, réponds-moi s'il te plaît. » La voix d'Helsa se faisait suppliante et ça lui brisait le cœur. Il ferma la valise d'un coup sec et la traîna derrière lui alors qu'il descendait les escaliers. Elle le suivit en criant son nom. « Arrête, s'il te plaît, ne rends pas ça plus difficile. » - « Pourquoi tu fais ça ? » Elle posa une main sur son épaule mais il se dégagea, doucement mais fermement. Elle était en train de le perdre, elle le savait, elle le sentait. « Tu m'as accueilli chez toi, tu me nourris, tu m'achètes de la peinture, tu as même payé mes études, et en échange de quoi ? De moi. » Il posa sa valise à terre et planta ses yeux dans les siens. « Je suis quoi pour toi ? Un sujet de peinture ? Un amant ? Ton jouet ? Plus ça va et plus j'ai l'impression que je suis une espèce de gigolo pour toi. » Il appréciait énormément ce qu'elle avait fait pour lui, elle l'avait littéralement sorti du gouffre, elle l'avait aidé à réaliser son rêve, mais plus le temps passait plus il se rendait compte du côté malsain de leur relation. Malgré leur différence d'âge évidente il avait fini par tomber amoureux d'elle, il la laissait le toucher avec plaisir, se faire peindre par elle faisait presque parti du quotidien et il se prêtait au jeu parce que ça plaisait à Helsa. Il ne savait pas si c'était de sa faute à elle ou de sa faute à lui, il ne savait pas ce qui avait mal tourné entre eux, en revanche il savait que le seul remboursement qu'elle acceptait c'était son corps. Plus ça allait plus il avait l'impression de se prostituer pour elle. Il se détacha de son emprise et avança d'un pas déterminé vers la porte. « Si tu quittes cette maison tu n'as plus rien ! » Malgré la réalité de ces propos il ne perdit en rien sa détermination et claqua la porte derrière lui. « Je t'aime Max. » Avoua t-elle dans un souffle, mais il ne l'avait pas entendue.

[...]

« Ces peintures sont magnifiques jeune homme. C'est quoi ton nom ? » Interloqué par cet homme qui avait pris le temps de s'arrêter devant lui alors que tous les autres passaient devant lui sans le voir, Max ne su quoi répondre. Cela fit doucement rire l'inconnu. « Tu ne te rappelle plus de ton nom ? » Articula ce dernier. Max s'éclaircit la gorge. « Max. Maxen Brythe. » Il vivait dans la rue depuis qu'il avait quitté la maison d'Helsa et ça faisait un bon moment qu'il n'avait pas eu de contact humain avec quelqu'un. Il avait envie de parler de la pluie et du beau temps, de la reine d'Angleterre, de l'économie, bref de n'importe quoi. Il se redressa et regarda l'homme bien en face. Celui-ci avait les yeux baissés sur les quelques toiles que Max avait étalé devant lui. « C'est ton jour de chance fiston, je suis journaliste pour le Boston Globe et mon mari est un grand amateur d'art. Laisse-moi passer quelques coups de fils et tu ne dormiras plus jamais sur ce banc. » Max avait refusé d'y croire et pourtant l'homme n'avait pas menti. Un homme était venu le lendemain, puis un autre le jour d'après, ils étaient tous venus voir ses peintures, ils lui avaient posé des questions. Une semaine plus tard il était logé dans un hôtel où il n'y avait pas de rat, une somme rondelette dans la poche et deux de ses toiles exposées dans la plus prestigieuses galerie d'art de Boston. Il avait été découvert par un des hommes les plus influents de Boston et sa vie était sur le point de changer.