si je ne te connais pas encore (aurore)

mardi, 17:32. the thumbed page. lili le traite de grand-père, de prof de philo (t'as la garde-robe pour), de hipster, parfois, dans ses bons jours. elle se plaint qu'avec une dégaine pareille, elle peut faire une croix sur ses futurs neveux et nièces (elle est persuadée qu'il mourra seul et grabataire en compagnie de ses chats et de ses œuvres d'art poussiéreuses). il rigole un coup, tente de se défendre (l'esthétique vestimentaire, vraiment), repousse ses lunettes sur son nez et tire maladroitement sur sa chemise (la chemise, ça va, aujourd'hui elle est bordeaux, ça ne jure pas trop avec ses cheveux, le problème ce sont les pulls, les gilets de papy, et par dessus tout, son incapacité chronique à associer deux couleurs entre elles, un comble pour un spécialiste de l'art). pourtant, il est des jours où ace est pris d'une coquetterie suspecte. et c'est rarement parce qu'il doit rencontrer quelqu'un d'important ou qu'il sait qu'il va croiser sa mère, qui ne peut jamais s'empêcher de remettre son col en place et d'ébouriffer sa tignasse. plus pragmatique, plus terre-à-terre, si il ose la goutte d'eau de cologne et le cheveux lustré, c'est généralement qu'il s'est décidé à aller acheter un livre.

(n'haussez pas le sourcil ainsi, peter, son conseiller personnel en matière de drague, le fait déjà assez bien.)

et la cible de toutes ces attentions, l'heureuse élue, si il peut l'appeler ainsi, c'est aurore, la libraire (il sait qu'elle se nomme aurore car il a entendu son collègue -ou est-ce son patron, l'appeler ainsi, mais il préférerait qu'il ne l'appelle pas du tout, et qu'il reste loin d'elle. que tous les hommes de la terre restent loin d'elle, en fait. quel idiot, s'il savait qu'il n'a pas que les hommes à redouter). il sait aussi qu'elle a des yeux magnifiques, des yeux couleur d'orage, qui contrastent avec le calme qu'elle affiche en toute occasion, qu'il aimerait bien goûter à ses lèvres, et qu'il aime beaucoup ses fesses (bien sûr qu'il a regardé, qu'est-ce que vous imaginez). (il regrette aussi qu'elle n'ait pas une plus grosse poitrine, mais personne n'est parfait). il sait aussi que ses chances de passer un jour ses doigts dans sa chevelure (qu'elle a l'air d'avoir fort douce), approchent du vide quantique, du trou noir, du chaos. mais ace ne perd pas espoir (il la veut, sa putain de belle histoire). alors il vient, une fois, deux fois par semaine, dépenser une fortune dont il ne sait que faire dans des livres qu'il sait pertinemment qu'il n'aura jamais le temps de lire. mais voir aurore lui suffit. alors il pédale le kilomètre et demi qui sépare le musée de la librairie, accroche son vélo à une grille, pousse la porte qui tinte doucement, et sort une liste de titres de sa poche (jamais il n'avouera qu'il vient ici pour une autre raison que celle d'acheter des livres).